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Le langage

Ado-Missile parle spécifiquement du langage.
Il ne s'agit pas, bien sûr, d'y définir ce qu'est le langage en terme sociologique, sémiologique ou quoi que ce soit en -ique. Il s'agit de réfléchir, regarder, constater que le langage est un moyen de constitution des groupes.
En l'occurence, le langage que parlent entre eux les ado d'Ado-Missile, a un double fonctionnement : d'une part il les organise en groupe constitué de gens qui parlent d'une façon telle qu'ils peuvent se comprendre entre eux en dépit du monde alentour, et d'autre part, il tend à les exclure en ce sens qu'ils délaissent ou méconnaissent les sens ordinaires des mots qu'ils emploient.

S'exprimer sur ce sujet n'a rien d'original. Le journaux télévisés, la presse, le font à perte d'haleine lorsqu'il s'agit d'expliquer comment et pourquoi les jeunes sont excluent ou s'excluent eux-mêmes de la société.
Ce qui m'a semblé intéressant à évoquer, c'est le fait que sous ces mots durs et d'expression sommaire, les ados d'aujourd'hui cachent, comme les ados de tous temps et de tous lieux, une grosse sensibilité et que, malgré la carapace que constitue difficulté du langage, les mots du rapport à autrui, de la séduction, de l'amour parviennent à se frayer un chemin fragile vers une certaine lumière.
Il me semble que cette manière de s'exprimer en dépit des obstacles, de la laideur, de l'incompréhension, de tous les risques rejoint facilement celle des poètes de tous les temps qui n'ont, somme toute, jamais rien fait d'autre que cela : dire et proclamer malgré l'impossibilité, voire l'interdiction de le faire, tout ce qui compte vraiment.
En écrivant cette pièce et en "l'illustrant" de poèmes que j'aime, il m'est également apparu que, lorsque qu'on met ces poèmes dans la bouche de gens jeunes et pleins de questions et d'énergie, ils prennent un sens très fort et très déstabilisant qui pourrait bien être exactement ce que leurs auteurs y ont mis à l'origine.

Il faut décidément dire les poèmes et pas seulement les lire pour soi. C'est quand on les entend qu'ils sont vraiment dangereux et beaux.

Pierre Launay